Date : 28/02/2002.

 

 

De A comme « l'Aveu » à Z comme... « Z », Costa Gavras s'est attelé sans complaisance à des sujets difficiles.

 

Il fallait en avoir pour fustiger, avec la même force, le régime socialiste de Prague, après s'être attaqué à la dictature des colonels grecs ; avec le même Yves Montand ; en surprenant tous ceux qui le considéraient alors comme un bolchevik patenté.

 

Et cette phrase qui figure en exergue de « Z » (je cite de mémoire) : « toute ressemblance avec un autre pays que la Grèce serait fortuite », ça, c'est envoyé !

 

Plus de trente ans après, voici « Amen », un film de la même veine. Personne n'ignore aujourd'hui de quoi il s'agit : la passivité, confinant à la complicité, des autorités catholiques et du pape Pie XII, face au génocide des juifs et des tsiganes.

 

Mais avant le film, il y a eu l'affiche. Et le scandale qu'elle a provoqué. Tout le monde l'a vue : la croix chrétienne dont les branches ont été prolongées pour évoquer la svastika. Il s'est bien sûr trouvé des associations cathos pour protester contre ce blasphème et booster la promo du film. Mais la production répond, dans un texte assez convaincant placardé à l'entrée des cinémas, qu'elle n'a pas voulu assimiler la religion au nazisme, que l'église a une position claire sur le sujet, qu'il y a eu des justes chez les prélats etc... Et c'est ce que montre le film. Qui n'accuse pas le Vatican d'avoir encouragé et collaboré à l'extermination (le pape y sauve des juifs, le héros positif est un jésuite),  mais apparaît plutôt comme un constat de l'impuissance des autorités papales, engluées dans leurs contingences diplomatiques. Il n'y a aucun manichéisme. Les personnages sont complexes et il n'y a pas de vrai salaud. Si ! Il y en a un, mais... un film est fait pour être vu, pas raconté !

 

Bon ! Il n'en demeure pas moins que les producteurs, par leur réponse au scandale de l'affiche, se foutent de la gueule du monde ! Comme s'ils n'avaient pas prévu les réactions qu'elle susciterait !

 

« On savait pas, on l'a pas fait exprès, on recommencera plus ! ». Vous nous prenez pour des demeurés ? Aujourd'hui pour faire du fric, la provocation est une méthode éprouvée. Surtout en s'attaquant à l'église catholique. Voir le bouquin de photos de Béthina Rheims, dont la couverture a choqué beaucoup de fidèles, interdit d'EXPOSITION en vitrine dans deux librairies de Bordeaux, et dont la presse nous a fait croire qu'il était censuré. Alors qu'on pouvait l'acheter partout. L'affiche de Larry Flint, du même style, qui a permis à ce film de décupler le nombre de ses entrées...

 

Si l'on s'était attaqué à l'Islam, ... Inutile de poursuivre sur ce thème. On sait ce que ça donne ! Salman Rushdie, qui ne pourra plus jamais acheter un croissant chez son boulanger, en sait quelque chose...

 

Il y a des provocations honnêtes. Exemple : Jean Pierre Mocky fait des films pleins de bites et de couilles ; et des affiches pleines des mêmes bites et couilles. C'est cohérent. Et ses films ne sortent pas dans la moitié des salles de Paris.

 

Avec « Amen », on est tenté de parler de provocation gratuite. Mais c'est plutôt l'expression « provocation payante » qu'il faudrait employer. Celle de l'emblématique « nain hydrocéphale, zoophile et sidéen », inventé par les humoristes, sensé servir de produit d'appel dans les émissions trash de TF1.

Costa Gavras veut-il nous faire croire qu'il a choisi innocemment le scandaleux Olivero Toscani, le prototype du photographe putassier, l'ex-protégé d'un marchand italien de fringues de toutes les couleurs qui préfère pourtant de loin celle du billet vert ? Je pense plutôt que le cinéaste, si habile à dénoncer les manipulations de l'opinion, s'est payé à peu de frais un bon coup de pub. En jouant sur la naïve propension des cathos à réagir au scandale, et ce faisant, à l'amplifier.

 

À part ça, le film est très bien !

 

Qu'il fasse oublier l'affiche !

 

Ainsi soit-il !

 

 

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