Date : 23/10/2002.

 

Et tout de suite un ensemble de réflexions passionnantes sur un sujet captivant. Mais d'abord je vous propose une page de publicité.

 

PUB !!!

 

 La publicité, c'est con et ça rend con !  (Cavanna). Séguéla est un imbécile prétentieux, Olivero Toscani, un salaud. Et les  fils de pub , ainsi qu'ils se désignent eux-mêmes, de minables dandys cocaïnomanes. Ne marchez pas dans la pub, sinon du pied gauche ! Quand un animateur du petit écran dit  tout de suite  en annonçant un programme, ça signifie justement  pas tout de suite , mais après une séance de trois minutes d'abrutissement. Et quand on vous  propose  une page de pub, c'est un mensonge ; on vous l'impose !

 

FIN DE LA PUB.

 

Exagéré, pensez-vous ? Mal écrit, d'accord ! Cette compilation de slogans publiphobes n'a pas été conçue par un pro du décervelage commercial et n'a pas l'emballage attrayant des messages promotionnels. Mais osez me dire qu'il y a moins de vérité dans ce texte que dans n'importe quel spot pour une lessive ou un shampooing.

 

A la fin des années soixante, une campagne fut lancée par les annonceurs dont le slogan, s'étalant sur les murs de nos villes, disait :  Ceux qui ne croient pas à la publicité aujourd'hui sont les mêmes qui ne croyaient pas à... l'électricité, la voiture, le cinéma (je cite de mémoire), les dragées fuca, le bifidus actif ... bref ! Toutes ces inventions qui ont révolutionné notre manière de vivre en l'améliorant. On voulait ainsi prouver que la pub, qu'on appelait déjà plus réclame, en plus de sa fonction purement mercantile d'incitation à l'achat, devenait un facteur du progrès humain.  Etre publiphobe, c'est ringard !  Nous assénait-on. Et on a continué. Dans le même temps qu'elle envahissait nos journaux, nos radios, nos télés, les abords de nos bourgades, la publicité tentait de se doter d'une façade respectable. À tel point que des tâcherons à son service n'hésitent pas à prétendre aujourd'hui que c'est un  art .

 

L'aspect totalitaire de cette campagne, n'avait pas été souligné à l'époque. Je dis bien  totalitaire, car c'est l'adjectif le mieux adapté ; dans une démocratie digne de ce nom, toute opinion a voix au chapitre. Une campagne électorale ou n'apparaîtrait sur les murs qu'une profession de foi, on ne voit ça que dans les dictatures. Et pourtant les publicitaires qui font leur auto promotion, sans laisser de place (évidemment) à la contradiction, ce n'est pas Goebbels, ce n'est pas Staline, ni Kim Il Sung ; mais c'est quand même du totalitarisme !

 

Plus de trente ans après, ce pseudo débat publiphiles-publiphobes est oublié (je pense être le seul à m'en souvenir). Mais devinez à l'avantage de qui il a tourné ! Des choses qui auraient semblé scandaleuses à l'époque sont aujourd'hui monnaie courante. Ca a commencé par le premier spot à la télé (pour Régilait) qui a fait hurler dans quelques chaumières à l'époque. Que diraient les hurleurs d'alors devant les interminables couloirs de promotion que les chaînes publiques ou privées nous infligent à l'heure des repas ? Mais tout s'est fait en douceur. Par étapes. Dont l'une des plus significatives, qui a paru révoltante en son temps, était la coupure au milieu d'un film diffusé à la télévision. Si la tendance se poursuit à quoi doit-on s'attendre ? Un jour les spots ne seront plus signalés et interviendront en plan de coupe, brusquement au coeur de l'action. C'est déjà ainsi depuis des lustres aux États-Unis.

 

Passons du petit au grand écran ; dans les salles la séance commence souvent 20 ou 25 minutes avant le début du film. Si celui-ci n'est pas un documentaire albanais traitant de l'emboutissage des calandres de tracteurs (je veux dire, si la salle fait le plein !) et qu'on souhaite être bien placé, il faut supporter cette avalanche d'images et de son débilitants ; et là, ce n'est pas comme à la maison ; impossible de zapper ! D'aller aux toilettes ; sous peine de se faire piquer la place ! Même de tourner la tête ! On ne peut que se plonger dans un bouquin après avoir obstrué ses conduits auditifs avec des boules de cire dont je ne cite pas la marque pour être cohérent dans mon propos.

 

Autre exemple et j'en aurai fini : l'affichage installé aux abord des agglomérations par les hypermarchés ou les magasins de bricolage et qui défigure le paysage. Souvent au mépris de la loi.

 

Bon, et alors ? Où veut-il en venir avec cette compilation de lieux communs ? Vous demandez-vous.

 

Et bien justement ! Ce sont des lieux communs, des indignations partagées par l'immense majorité de nos concitoyens. Personne ou presque ne se réjouit de l'extension du domaine de la pub. Au mieux on la supporte, au pire on la vomit. A-t-on déjà entendu un téléspectateur au moment de l'annonce des réclames se dire  chouette alors ! » En se frottant les mains ? Tout au plus dira-t-il :  je vais enfin pouvoir aller pisser ! »

 

Cette quasi-unanimité se fait encore plus large lorsque le message est délibérément choquant. On pense tout de suite bien sûr à Benetton et ses affiches propageant en vrac : offense à la religion, atteinte à la vie privée, violence, incitation déguisée à la haine raciale, dégradation de l'image des sidéens... À la campagne en faveur de la xsara Picasso qui met en scène un des plus célèbres artistes du vingtième siècle dans des situations ridicules quand les deux tonnes de terre qui le séparent du monde des vivants l'empêchent de crier son indignation.

 

Mais il existe un exemple nouveau et significatif de ce genre de publicité : une banque récemment apparue sur le marché base sa promotion sur le thème des idées reçues. Tout en finesse :  les Suisses sont lents »,  les chats retombent toujours sur leurs pattes »,  les noirs sont bien membrés » deviennent des prétextes à montrer un suisse grillé au lance-flammes, un chaton qu'on jette d'un immeuble, un noir au sexe anémique. Un mauvais goût qui fait naturellement hurler les Suisses, les amis des animaux, les noirs, et toutes les autres victimes de cette campagne ; qui jurent leurs grands dieux qu'ils ne confieront jamais leur argent à l'ignoble financier. 

 

On peut s'interroger : pourquoi les publicitaires ont-ils choisi, pour promouvoir une banque jusqu'alors inconnue, de se mettre tout le monde à dos au risque de ternir l'image du produit avant même qu'il ait intégré la mémoire du consommateur ?

 

LA réponse possible, et même très probable AMHA, se trouve, entre autres, dans deux émissions de télévision.  Le médiateur » de France 2 (7/12/02),  Arrêt sur images » (France5 - 14/12/02). Ces deux programmes, en portant un regard détaché et analytique sur la télé, se penchent sur l'affaire. Les promoteurs de cette banque dont je tairai le nom n'en sortent pas grandis. A tel point que la chaîne publique (F2), réagissant à un abondant courrier de protestation, décide de ne plus diffuser les spots maudits.

 

Mais en attendant, au cours des deux émissions en question, on a cité plusieurs dizaines de fois le nom de la banque. Et c'est cela qui intéresse les fils de pub ; ils ont beau parler d'image, de cible, de positionnement, prétendre avoir peaufiné un message chiadé à l'attention des prospects, une seule chose leur importe : marteler le nom de leur client, comme le faisait la réclame des années 30. Ou plutôt le faire marteler par leurs prétendus ennemis. Il faut seulement que la banque machin soit identifiée comme une banque. Quel meilleur moyen pour ça que de déclencher le scandale ? Les spots et les affiches ne sont qu'une amorce. Pour que  machin » soit citée gratuitement hors des couloirs de pub, dans les émissions  intelligentes » ou non. Dans les bureaux ou les conversations de bistrot.

 

Dans quelques semaines tout sera oublié,... sauf le nom de la banque ! Les helvétophiles, les adhérents de la SPA, les blacks, auront abandonné leurs velléités de boycott, et une campagne plus sage et informative les convaincra d'ouvrir un compte chez  machin ».

 

On peut dire ce qu'on veut de cette manière putassière de promouvoir un produit, mais il faut reconnaître que ça marche. Bénetton vend ses fringues, on revient chez Total, même si ce n'est que par hasard, et  machin » va conquérir le marché français. (N.B. pour Total, le scandale était involontaire !)

 

Et pourtant... Il suffirait de presque rien !

 

Quittons la pub agressive et scandaleuse contre laquelle il semble très difficile de lutter pour revenir à la publicité  ordinaire ». Quelle est l'influence réelle de la pub sur le chiffre des ventes d'un pot de yaourt. Assez minime en pourcentage. Considérable en volume. Il en faut des pots à 50 cents pour rentabiliser 15 secondes de prime time sur TF1 ! Pas facile de mesurer l'impact réel, mais il existe. Surtout quand on sait avec quel faible intérêt est regardé le message.

 

Ceux qui ne veulent pas marcher dans le système, dès qu'apparaît sur le petit écran un matraquage publicitaire, adoptent une des attitudes suivantes : ils éteignent leur poste, ou coupent le son, ou reprennent une activité normale. Ils ignorent la pub, c'est leur façon de militer ; ils ne font en cela qu'imiter les  indifférents », ceux qui soulagent leur vessie, vont sortir le clebs, ou se mettent à parler avec leur conjoint.

 

Cette forme de  résistance passive » est bien trop passive pour être efficace. C'est l'abandon par le consommateur de son instrument de pouvoir ; qui vaut bien davantage qu'une carte d'électeur, ou même qu'un fusil : Son porte-monnaie !

 

Pour mettre fin, ce n'est qu'un exemple, à la coupure au milieu des films, qui emmerde tout le monde, que les téléspectateurs n'ont jamais demandée et qui a été négociée entre ministres, directeurs de chaînes et publicitaires, sans demander l'avis des premiers intéressés, il existe un moyen très simple. Il suffirait qu'un faible pourcentage du panel visé, plutôt que de filer aux toilettes quand le matraquage commence, se retienne 5 minutes et note le nom des annonceurs en vue de boycotter leurs produits.

 

Une action concertée et ciblée aurait pour effet quasi-immédiat de faire battre les annonceurs en retraite ; dès qu'ils auraient observé une pente négative de la courbe des ventes. Exit le saucissonnage des films ! On pourrait continuer avec le cinéma, l'affichage abusif, la promo intempestive sur internet etc... Personne n'y a jamais pensé ?

 

Certainement ! Mais le principal obstacle à une telle action serait la difficulté d'en assurer la propagande. Quel moyen de communication pourrait la relayer ? Les fils de pub, si vénaux soient-ils, accepteraient-ils, même contre une montagne de billets, d'assurer la mise en place d'une campagne dirigée contre eux ? Et les médias oseraient-ils se fâcher avec ceux qui les nourrissent, sans obtenir la moindre contrepartie ?

 

Et voilà ! Ceux qui redoutent, à tord ou à raison un retour au totalitarisme ne se rendent pas compte qu'il imprègne déjà notre vie. De manière bien plus sournoise, et bien plus supportable il est vrai, que dans les régimes estampillés  dictatures ». On ne jette personne en prison sous prétexte qu'il dit du mal de la publicité. Tout simplement parce que ce n'est pas nécessaire ! On peut dénoncer, dans une conversation familiale, sur le zinc d'un bistrot, les mensonges qu'elle véhicule, les scandales qu'elle provoque, la pollution qu'elle inflige à notre vie quotidienne ; cela n'aura aucun effet. Elle est l'instrument du pouvoir économique, le pouvoir réel, devant lequel les politiques, de droite, de gauche, ou d'ailleurs, sont à genoux.

 

Un pouvoir absolu.

 

Un quatrième Reich qui, contrairement au précédent, peut raisonnablement prétendre durer mille ans...

 

S'il ne rencontre pas de résistance...

 

 

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