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19/11/2004

 

Amis publiphobes, bonsoir !

 

(Misérables dandys cocaïnomanes qui se nomment eux-mêmes « fils de pub », ceci n'est pas pour vous ; allez plutôt sniffer un rail dans les toilettes !)

 

Il y eut une époque bénie, déjà fort lointaine, où, quand on voulait écouter la radio en échappant au matraquage publicitaire, il suffisait de se brancher sur France inter. Je ne parle pas de la courte période durant laquelle les radios libres méritaient leur adjectif, c'est à dire entre 1979 et 1981 où elles étaient interdites et les quelques années qui ont suivi l'arrivée de la gauche au pouvoir avant qu'elles ne soient phagocytées par les grands groupes de communication. Les financements de ces stations étaient alors assurés par des associations ou des mouvements politiques et ne nécessitaient pas ces horripilantes réclames qui charcutent les émissions, parfois intéressantes, des radios commerciales. C'était le bon temps ! En parcourant au hasard la bande FM, on pouvait tomber sur la première face de « the dark side of the moon » diffusée sans interruption. On était loin du saucissonnage actuel qui semble n'avoir pour objet que la promotion de supermarchés ou de bagnoles entre deux tubes matraqués formatés dans ce but.

 

Revenons à France inter. Elle devrait être la seule, parmi les stations généralistes, à échapper à la dictature de la réclame. Puisque c'est un service public. Il est vrai que l'exemple donné par la télévision d'état n'est pas de nature à rassurer. Et que son envahissement par la publicité ne date pas d'hier ! Mais de la fin des années soixante. Depuis, une lente évolution a conduit les chaînes publiques à devenir les déversoirs de réclame qu'on connaît aujourd'hui. Mais, jusqu'à il y a quelques années, France inter semblait avoir contenu l'espace dévolu à la pub. Ses auditeurs fidèles peuvent constater avec effarement qu'une dérive semblable, et beaucoup plus rapide, se fait sentir. Un indice, récemment apparu, de ce lamentable glissement est le non-respect des horaires. Aujourd'hui, et ce n'était que rarement le cas il y a plus d'un an, le journal ne commence pas après le fameux « quatrième » top, mais on doit ingurgiter avant le « bonjour » du journaliste une petite page de propagande. Une ? Non ! Aujourd'hui, autre indice de l'extension du domaine de la pub, c'est deux ou trois messages qu'on doit se farcir chaque fois que sonne l'heure.

 

Pour des yaourts ? Des légumes en conserves ? Non ! Les statuts de la station interdisent, en principe, ce genre de messages. Alors, ce qui revient au même, et n'est pas moins exaspérant, ce sont les poulets fermiers du Gers ou les pruneaux d'Agen dont on nous vante les mérites.

 

Si j'ai dit « en principe », c'est que ce principe ne semble pas être rigoureusement respecté. On peut subir sur France inter les mêmes spots qu'on entend sur RTL ou Europe 1. Pour le GAN par exemple, qui n'est pas que je sache une entreprise à but non lucratif, mais que son statut de « groupement » (je ne fais que supposer) permet sans doute de figurer parmi les annonceurs. Bien que sa promotion soit aussi exaspérante que si elle était le fait de l'UAP ou du Crédit Lyonnais.

 

Mais ce qui fait la particularité des messages promotionnels sur la radio nationale c'est, pour certains, leur apparente inutilité. Ne parlons pas de la sécurité routière, de la lutte anti-tabac, du vaccin contre la grippe, qui, si on peut en contester le bien-fondé, font partie de la communication d'utilité publique. Ni de la promo de villes (Bordeaux, Rennes) qui peuvent (peut-être) y attirer des investisseurs, de régions (Guadeloupe), des produits de beauté. Ce qui est bizarre, m'interpelle quelque part au niveau du vécu, et m'interroge sur les flux financiers que ça provoque, c'est que parfois cette communication coûteuse ne sert absolument à rien ; ce que j'illustrerai par deux exemples récents :

 

Il y a quelques semaines une campagne faisait l'apologie des professionnels de la santé : infirmières, aides soignants, médecins...

 

Et une autre tentait de nous présenter sous un jour favorable la profession de notaire.

 

Pour ces derniers on peut concevoir qu'ils n'ont pas bonne presse et qu'il faut être très persuasif pour les rendre sympathiques auprès de l'opinion publique. Quant aux autres, chacun sait que de tous les métiers, celui d'infirmière est celui qui jouit de la plus grande popularité. Pour les docteurs, c'est plus mitigé, mais bon !

 

Quoi qu'il en soit, je ne vois pas en quoi les retombées éventuellement favorables de ces campagnes pourraient changer quelque chose au comportement des « clients » de ces honorables professions.

 

Dans l'immense majorité des cas on fait appel à un notaire quand la loi nous y oblige. Et ceux qui utilisent ses services pour y trouver un intérêt sont rares et de toutes façons n'ont pas besoin qu'on leur vante à la radio les qualités de leur tabellion. Pour les toubibs et le personnel hospitalier, c'est encore plus absurde. Tout au plus cette promotion inciterait-elle les prospects à conduire imprudemment ou à s'ingénier à glisser sur une déjection canine pour connaître le bonheur d'être dorloté par des nurses attentives et dévouées qui, soit dit en passant, sont nues sous leur blouse blanche (au fait, pourquoi n'avoir pas fait allusion dans les spots à ce fait, ce qui rendrait, s'il en était besoin, les infirmières encore plus attirantes). Ou a rendre plus souvent visite à leur médecin, ce qui aurait un effet négatif sur le déficit de la sécu, que d'autres campagnes nous incitent pourtant à ne pas creuser davantage...

 

Alors pourquoi ? Où est l'intérêt ? On pourrait dire : « c'est bien plus beau lorsque c'est inutile ». Ce à quoi j'objecterais pour rester Cyranien : « C'est un peu court, jeune homme ! »

 

Voyons plutôt quelles sont les implications financières de ces vaines logorrhées. Voilà comment je vois les choses :

 

Le ministère de la santé, par exemple (oublions les notaires au sujet desquels j'ai du mal à établir une hypothèse), dispose d'un poste budgétaire consacré à la communication. L'argent devrait être utilisé pour informer, donner des renseignements utiles. Mais un grand ponte du ministère, qui est copain comme cochon avec le directeur de l'agence qui a réalisé le dernier message anti-canicule dont le concept était : « il faut boire quand on a soif et éteindre le chauffage quand il fait plus de 40 degrés à l'ombre », se laisse embobiner par le fils de pub qui lui propose un super spot chiadé à destination de la ménagère de moins de 50 balais pour expliquer à cette dernière que c'est beau de bosser pour le bien-être des gens, du moins quand on n'use pas ses fonds de pantalons dans un bureau du ministère à cogiter sur la façon de dépenser l'argent public (car, ne l'oublions pas, c'est avec NOTRE fric que jongle cet inutile fonctionnaire.)

 

Alors, tout le monde est content : le dandy cocaïnomane qui a touché de quoi se poudrer le nez dans les dix prochains mois, le parasite du ministère qui a bien fait son boulot (et a dû bénéficier en passant d'une petite com ou d'un renvoi d'ascenseur de son pote), France inter qui facture le temps d'antenne rogné sur ses émissions au tarif syndical.

 

Oui, tout le monde est content.

 

Tout le monde ?...

 

Sauf peut-être le citoyen auditeur qui, non content de financer par son impôt l'hébergement par sa station préférée de l'importun discours, paye une deuxième fois par son écoute forcée.

 

Elles m'énervent, ces infirmières !

 

Je ne les aime plus ! Na !

 

À qui la faute ?

 

 

 

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