Ce texte contient 3 prénoms paramétrables (H1 et H2 : les hommes ; F1 : la femme).
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Faire de même avec « H2 » (saisir un prénom masculin), puis « F1 » avec un prénom féminin.
Les trois prénoms doivent commencer par une consonne autre que H.
NB : aucun des héros de cette histoire n'étant particulièrement sympathique, plutôt que les prénoms de vos amis choisissez par exemple celui de votre percepteur, de la pionne vacharde qui vous collait au lycée, et de l'adjudant qui vous avait envoyé au trou à l'armée.
C'est fait ?
Vos héros sont donc :
Le premier homme : H1
Le deuxième homme : H2
La femme : F1
Bonne lecture...
Lorsque
H1 sortit du RER la nuit était déjà tombée sur le quartier de la Défense. La
vision des tours illuminées depuis l'escalator le rasséréna. Il relâcha la
pression de sa main gauche sur la poignée de son attaché-case et, de la droite
dénoua le noeud de sa cravate. La journée avait été harassante. Heureusement on
était vendredi soir et le week-end à venir n'offrait que des perspectives
agréables. A commencer par une soirée tranquille devant un bon film et un
plateau télé.
H1
habitait au 22e étage d'une tour, dans l'un des rares appartements
de ce quartier presque exclusivement dédié au travail et aux affaires. Il
trouvait beaucoup d'avantages à vivre à la Défense ; son bureau situé au
centre de Paris n'était qu'à 10 minutes par le RER et, le matin comme le soir,
H1, voyageant dans le sens inverse de la multitude, disposait toujours d'une
place assise. La nuit et le dimanche l'atmosphère était incroyablement calme,
sans doute plus que dans n'importe quel endroit de la capitale.
Mais ce
qui avait principalement guidé son choix était un goût immodéré pour le
modernisme et tout ce qui était nouveau. H1 se nourrissait exclusivement de
plats surgelés. Sa cuisine se limitait au four micro-onde et s'il lui arrivait
d'aller au restaurant, c'était immanquablement un fast-food ou un lieu
« branché » style Planet Hollywood. Bien sur, quand c'était à lui
qu'appartenait la décision. Peu lui importait que la nourriture eut une saveur
agréable pourvu qu'elle fut éclairée par un néon vert ou violet.
Cet
amour du modernisme était en fait la conséquence d'une haine farouche pour la
nature, la campagne et les traditions. Il avait passé une enfance assez
malheureuse dans un petit village de la Beauce et limitait au minimum les
contacts avec sa famille restée là-bas qu'il appelait « cette bande de
bouseux ».
Dans le
hall de son immeuble de verre et d'acier il se sentait déjà chez lui. Il ouvrit
sa boîte au lettres et en sortit une enveloppe marquée EDF, sans doute une
facture, et un petit paquet que son épaisseur réduite avait permis de le
glisser dans la fente. Sans y jeter un regard il mit les deux objets dans la
poche de son veston. Dans l'ascenseur il passa en revue dans son esprit les
quatre actions qu'il comptait accomplir après avoir franchi la porte de son
studio. Par ordre de priorité allumer l'ordinateur, aller aux toilettes pour se
soulager d'une envie qu'il trimballait depuis la station Châtelet. Ensuite se
servir un whisky et enfin appeler F1.
A peine
entré il se dirigea en hâte vers le meuble de plastique rouge ou étaient
disposés l'unité centrale et les périphériques et pressa la touche
« on » qui commandait l'allumage de tous les composants. Il se rendit
du même pas rapide jusqu'au cabinet de toilettes et, quand il en sortit, le petit
sablier sur l'écran indiquait que toutes les applications n'étaient pas encore
ouvertes. Il avait largement le temps de se servir un bon scotch.
L'installation était toujours lente à se faire et c'est pourquoi le geste
d'allumer la machine avant de faire quoi que ce soit d'autre était devenu un
réflexe. C'était bien le seul défaut qu'on pouvait trouver à cet ordinateur.
Tous les éléments, imprimante, scanner, joystick, enceintes, écran, étaient de
la meilleure qualité. C'est un vendeur de la FNAC du parvis qui l'avait
conseillé pour cet achat, lui assurant qu'il ne serait pas déçu. C'était le cas
et il ne regrettait pas le crédit sur 6 mois qu'il avait dû souscrire. Quand il
faisait, virtuellement, une course de formule 1 ou une attaque aérienne dans le
ciel du Pacifique contre les croiseurs japonais, le son et l'image étaient
tellement réalistes qu'il croyait, par moments, vivre la réalité.
Tout en
sirotant son whisky, il composa le numéro de F1. Elle décrocha dès la première
sonnerie.
«
- Allô ?
-
Bonsoir F1,
c'est H1 ! Je peux te parler ?
-
Oui !
Je suis seule dans le bureau.
-
On se voit
comme prévu ce week-end ?
-
OK !
H2 part pour Londres demain matin par le premier Eurostar. Il rentrera tard
dans la nuit. Nous avons tout le samedi. Viens me chercher à 10h00.
-
Entendu. Et
où veux-tu qu'on aille ?
-
Oh !
Je t'en prie ! Emmène-moi déjeuner à l' « Hostellerie du grand
cerf » !
-
Encore ?
Tu n'en as pas assez de ce resto de bourges avec poutre apparentes, feu de
bois, musique classique au choix proposée par un loufiat en livrée. Et le
sempiternel menu à 48 euros avec le faisan truffé aux morilles à la sauce aux
trois saveurs ?
-
Oh !
S'il te plait ! La dernière fois que tu m'as invitée, c'est toi qui as
choisi. Et franchement je n'ai pas été emballée par ce bistrot des halles.
Hamburgers, lasers et techno ! Pour le même prix, je préfère le grand
cerf.
-
OK !
C'est bien pour te faire plaisir !
-
Merci !
Tu es un chou !
-
Et puis,
quel meilleur endroit que « le grand cerf » pour boire l'apéro à la
santé de ton mari. Ouh ! Ouh !
-
Ne sois pas
vulgaire ! H2 te considère comme son meilleur ami. Tu sais, je le plains. Je
culpabilise beaucoup. Car j'ai une conscience, moi !
-
Ne t'en
fais pas trop ! Il te trompe lui-aussi. Et sa maîtresse, c'est son
travail. Il y passe plus de temps qu'avec toi. Il n'a que ce qu'il
mérite !
-
Bon !
On en reparlera. Je raccroche. À demain !
-
À demain
chérie.
L'Hostellerie
du grand cerf, à l'orée de la forêt de Fontainebleau, avait été le cadre de leurs
premiers rendez-vous. Les premiers temps H1 s'était accommodé de cet endroit
dont le style était exactement aux antipodes de ses goûts. Il était alors prêt
aux plus grands sacrifices pour garder F1. Mais par la suite, elle s'était
tellement entichée de cette auberge campagnarde qu'elle en avait fait le
quartier général de leurs entrevues clandestines. H1 souhaitait mettre le holà
à cette routine qu'il jugeait typiquement féminine ; mais, sans le
montrer, il se sentait très faible en face de F1 et n'osait pas aller trop fort
à l'encontre de ses désirs. Il craignait par-dessus tout une dispute qui
pourrait amener à une rupture. La pire des catastrophes ! Il tenait à
cette liaison plus qu'à sa vie.
Il
n'était pourtant pas vraiment amoureux de F1. Le véritable bonheur qu'il
éprouvait dans cette relation coupable trouvait essentiellement sa source dans
l'assouvissement d'une vengeance infligée à H2.
Ils
s'étaient rencontrés dix ans plus tôt sur les bancs de la faculté. Ils
étudiaient la psycho. H2 par passion, H1 parce que c'était pour lui un moyen de
continuer à se faire entretenir par ses parents sans faire trop d'efforts. Et
d'habiter seul à Paris, à la distance maximale de la plus proche bouse de
vache. Et à proximité des endroits « câblés », comme on disait à
l'époque.
H2
obtint son DEUG haut la main et continua brillamment vers la licence, la
maîtrise et jusqu'au doctorat ou il soutint une thèse portant sur l'hypnose et
la suggestion. Dans le même temps H1 échouait lamentablement et se reconvertit
dans l'informatique. Toujours à la limite de se faire virer, il poursuivit
péniblement ses études et rata de justesse son DUT. Il se fit embaucher par une
petite société qui, en raison de la conjoncture très favorable, n'était pas
trop regardante. Il prétendit posséder le diplôme et on ne lui demanda jamais
d'en fournir la preuve.
Les deux
amis se voyaient fréquemment. H2 était brillant, et dans tous les domaines, sa
vie était marquée par le succès. H1, dans l'ombre de son ami, se sentait écrasé
par cette forte personnalité et s'étonnait constamment de l'affection réelle
que lui portait H2. Comment un homme aussi rayonnant, à l'intelligence
pétillante, réussissant tout, collectionnant les conquêtes, pouvait-il
s'intéresser à un pauvre minable comme lui, effacé, timide, inculte, et dont la
vie affective se limitait à de rares aventures minables et sans
lendemain ? Mystère ! Mais au cours des années s'insinuait dans le
coeur de H1 une jalousie dont il ne laissait rien paraître et qui finit par
devenir une véritable obsession.
Il était
pourtant un domaine dans lequel H1 pouvait se targuer d'une certaine
supériorité sur son ami : l'argent. Médiocre informaticien, il gagnait
pourtant bien sa vie. La psychologie, contrairement à l'informatique, était un
secteur bouché. H2, son doctorat en poche, ne se voyait proposer que des postes
subalternes et mal payés. H1 lui proposa d'intégrer sa boîte qui offrait à des
jeunes motivés une formation rapide suivie d'une entrée dans la vie active avec
un salaire plus que correct. Après un an H2 avait dépassé H1 dans la hiérarchie
de la société. Les dirigeants, ayant décelé un élément aux capacités
exceptionnelles, lui avaient confié la conduite d'un projet important assorti
de l'encadrement de trois personnes. Il accomplit cette tâche avec brio, en
pulvérisant les délais, tout en suivant des cours du soir au CNAM qui lui
permirent d'obtenir en deux ans un diplôme d'ingénieur. Puis il monta sa propre
boîte. Il n'en continuait pas moins d'étudier la psychologie et gardait des
contacts avec ses anciens condisciples dont certains étaient devenus des
sommités reconnues. Il s'intéressait plus particulièrement aux techniques
d'embrigadement et de lavage de cerveau pratiquées par les sectes et les
régimes totalitaires.
Il
pratiquait aussi le tir à l'arc et jouait aux échecs. Ces nombreuses activités
ne lui laissaient que peu de temps pour les loisirs. Il sortait pourtant de
temps à autre en rognant sur ses heures de sommeil. Au cours d'une soirée chez
un ancien camarade d'université il rencontra F1. Ce fut un coup de foudre
réciproque. Trois jours plus tard il la présenta à H1. Ils allaient souvent
tous les trois au cinéma ou au restaurant. Mais après quelques mois H2, très
pris par son travail, laissa F1 sortir seule avec son ami. Il ne lui serait
jamais venu à l'idée que son amante put le tromper avec H1 ; ni avec
personne d'autre d'ailleurs. Il avait en elle une confiance aveugle.
Ce fut
juste deux ans après leur mariage que H1 décida de tenter sa chance. Le couple
s'était disputé et F1 était seule à la maison, son mari étant retourné en
pleine nuit à son bureau pour s'y apaiser dans le travail. Le travail,
justement était l'unique sujet de ces scènes de ménage. Elle lui reprochait d'y
consacrer trop de temps et se sentait abandonnée. H1, qui était passé chez eux
à l'improviste, fut surpris de la rapidité qu'elle mit à lui tomber dans les
bras. Il y avait bien sur dans l'attitude de la jeune femme une part de dépit
et de désir de vengeance. Mais pas seulement ! H1, qui évaluait avec
justesse son pouvoir de séduction comme proche de la nullité dut se rendre à
l'évidence : Aussi étrange que ça puisse paraître elle était
amoureuse !
Cette
liaison eut un effet extrêmement bénéfique sur l'état psychique et même
physique de H1. Il se sentit mieux, mit un terme à ses visites hebdomadaires
chez son psychanalyste, s'arrêta de fumer sans trop d'efforts, retrouva
l'appétit et le sommeil. Il ne souhaitait qu'une chose : que cet état des
choses durât le plus longtemps possible.
L'écran
de l'ordinateur affichait maintenant un tableau abstrait couvert d'icônes. Le
petit sablier au centre avait disparu, remplacé par une flèche. La machine
était prête à travailler. H1 ouvrit sa messagerie. Elle était vide. Il établit
mentalement le programme de sa soirée. Aucune émission à la télé ne lui
convenant, il regarderait le film catastrophe qu'il avait loué à la vidéothèque
de son entreprise. Mais d'abord, il passerait une demi-heure dans la peau d'un
tankiste américain en juin 1944 en Normandie. Ce jeu de guerre, récemment mis
en vente, était un modèle de réalisme, le meilleur dans le genre.
C'est
alors qu'il se souvint du petit paquet qu'il avait oublié dans la poche de sa
veste. Il le sortit et le regarda. Le colis ne portait pas de timbre. Seulement
la mention « de la part de H2 » tracée d'une écriture soignée qu'il
reconnut tout de suite. Il contenait un CD-ROM et un texte imprimé :
« Salut
mon vieux.
Avant de
partir pour Londres je passe chez toi pour déposer ce paquet dans ta boîte. Je
tiens à ce que tu l'aies pour le week-end. Demain je n'aurai pas le temps. Ce
soir non plus. Tu sais, toujours le boulot !
Je
connais bien tes goûts. Ce CD devrait te plaire. Ouvre-le vite et garde cette
lettre à portée de main ; j'y écris les codes qui te permettront de lancer
le programme.
Amuse-toi
bien !
Ton
vieux pote H2. »
Suivait
une série de chiffres et de lettres. H1 introduisit le CD dans le lecteur. Une
icône apparut sur l'écran surmontant l'inscription « MAO ». Il cliqua
sur l'image. Sur fond de lumières psychédéliques un texte clignotant et
multicolore envahit le pupitre enjoignant l'utilisateur à saisir les codes
d'entrée. Il tapa les caractères imprimés sur la feuille, appuya sur
« enter ». Sur un paysage de verdure qui ressemblait à l'Irlande ou à
l'Écosse s'étalaient en lettres gothiques les mots « bienvenue H1 ».
Puis le paysage s'effaça, laissant la place à une animation réalisée dans un
style résolument comique. On y voyait une créature cyclopéenne, inspirée des
extra-terrestres de science-fiction qui se déhanchait dans un décor de boîte de
nuit en chantant « I will survive », une chanson des années 70 remise
à la mode à la fin du siècle dernier par les supporters de l'équipe de France
de football. Soudain, au milieu d'une phrase, la créature était assommée par la
boule de lumière qui s'était décrochée du plafond. C'était si drôle que H1 ne
put réprimer un éclat de rire.
Puis,
sans la moindre transition, des images de guerres et de désolation firent leur
apparition : explosions, bombardements, maisons s'écroulant avec fracas,
femmes et enfants jetés sur les routes de l'exode, cadavres mutilés, camps de
concentration, prisonniers faméliques au regard vitreux. Cette séquence dura
une dizaine de minutes au cours desquelles H1 se sentit gagné par la nausée.
Les battements de son coeur s'étaient accélérés, sa bouche était sèche. Mais
malgré son dégoût il ne pouvait détacher ses yeux de ces horribles visions.
Elles firent place à un tableau abstrait et animé constitué de volutes
multicolores et de spirales qui s'enroulaient et se déroulaient au rythme d'une
musique planante et fascinante dans le style « new age ».
Il
n'était déjà plus maître de son esprit mais dans une petite partie de son
cortex encore lucide il se posait une question : « où veut-il en
venir ? »
Il y eut
un intermède comique et plutôt graveleux qui le fit à peine sourire puis
revinrent les images d'apocalypse. Elles se succédaient de plus en plus vite.
Pendant une fraction de seconde il vit des junkers marqués de la croix gammée
déversant leur chapelet de bombes et réalisa qu'il s'agissait d'un extrait du
film « clockwork orange » qu'il avait revu la semaine précédente chez
H2 et F1. La scène où Malcolm Mac Dowell, les paupières maintenues ouvertes par
des filins d'acier, est obligé, pour se guérir de ses pulsions sadiques, de
contempler des scènes de violence.
Tout
s'effaça. L'écran devint sombre. Cinq secondes.
Puis une
petite lueur apparut au centre. Grossit. D'abord très lentement. En la fixant
attentivement, H1 y reconnut, quand elle eut atteint la dimension d'un petit
pois, la forme d'un oeil. Il ne put s'empêcher de penser à l'oeil de « la
Conscience », le poème de Victor Hugo, qui poursuivait Caïn jusque dans sa
tombe. Mais cette réflexion n'eut aucune influence sur ses actes. Il était
irrémédiablement soumis à une force contre laquelle il ne pouvait rien. Comme
ces gens choisis dans le public d'un spectacle de music hall auxquels
l'hypnotiseur fait effectuer les gestes les plus incongrus après leur avoir
dit : « dormez ! dormez profondément ! je le
veux ! ».
L'oeil
lui parlait. D'une voix calme et envoûtante. Toutes ses paroles à mesure qu'il
les prononçait s'inscrivaient en sous-titres. H1 écoutait, bouche bée, le
regard vide, et obéissait. Il fit tout ce que l'oeil lui demandait de faire.
Brûla la lettre et l'enveloppe dans l'évier de la cuisine. Recueillit les
cendres et les jeta dans la cuvette des WC. Tira la chasse d'eau. Sortit le
disque, le cassa entre ses doigts et évacua les morceaux par le vide-ordures.
L'oeil,
immobile et muet occupait tout l'écran. Ça n'avait plus d'importance. Tout
était joué.
H1 se
saisit de l'unité centrale. Il porta à son épaule les dix kilos de ferraille
comme s'il se fut agi d'une boîte en carton, se dirigea vers la fenêtre en
arrachant les fils qui la connectait aux périphériques et, en éructant comme un
lanceur de poids, la jeta contre la vitre. Il y eut un grand bruit de verre
brisé puis, quelques secondes après, le son atténué de la carcasse s'écrasant
sur la dalle de béton 60 mètres plus bas.
Le trou
dans la baie vitrée où s'engouffrait l'air du dehors mesurait un mètre dans sa
plus grande largeur et ne permettait pas facilement le passage d'un homme. H1
martela de ses poings le verre sécurit fragilisé par l'impact jusqu'à ce que
l'ouverture soit suffisante. Puis il enjamba le rebord et se jeta dans le vide.
Les
mains couvertes de sang, le regard toujours hébété, il tombait. Quand il
atteignit la hauteur du dixième étage il se réveilla ; ainsi que l'avait
prévu le programme de conditionnement dont il était devenu l'esclave.
Alors,
il comprit tout. Il maudit sa lucidité retrouvée qui ne lui donnerait rien de
plus que quelques secondes de souffrance ; la plus intense qu'il eut
jamais connue. Ce n'était qu'un diabolique raffinement dans la vengeance. Les
images mentales que le programme venait d'imprimer dans son cerveau sans qu'il
en eut conscience se mirent à défiler devant sa zone de vision.
Il vit
la photo de mariage de H2 et F1 à la sortie de l'église et quelques clichés de
leurs sorties à trois. Des images d'un apparent bonheur qu'il était accusé
d'avoir détruit. Puis une voix se fit entendre. C'était celle de H2, la même
qui lui parlait tout à l'heure à travers l'oeil. Mais elle avait perdu son ton
caressant et rassurant ; elle était haineuse et accusatrice.
« Salaud !
Tu te prétendais mon ami et tu as détruit ma vie ! Je sais tout depuis six
mois. Je vous ai fait suivre et je n'ignore rien de vos petits 5 à 7. Tu vas
mourir mais avant je vais te dire une chose qui ne te fera pas plaisir :
je vais tuer F1, et moi après. Et ce sera TA faute ! »
Juste
avant de s'écraser il eut cependant une ultime satisfaction intellectuelle. Il
comprit la signification du sigle MAO que surmontait l'icône qu'il n'aurait
jamais du activer. C'était bien dans l'esprit de H2. Une signature de son
humour noir et tordu.
L'informatique
prenait une place grandissante dans tous les domaines. Après la CAO, l' EAO, la
PAO, conception, édition, publication assistée par ordinateur, elle venait de
s'étendre à une des plus anciennes activités humaines : le meurtre !
FIN
Alain
Kotsov.