date : 09/01/2002

 

 

En Afrique du sud, au Botswana, en Namibie, au Mozambique, vit un animal magnifique. Il est un des plus gros mammifères terrestres après l'éléphant. C'est le rhinocéros, dont il existe deux espèces ; le noir et le blanc. (prendre la voix de Claude Darget, ou, pour les plus jeunes, de Nicolas Hulot).

 

Le rhinocéros n'a pas de prédateur. Les lions n'osent s'attaquer à lui. La peau de l'adulte est trop épaisse pour être déchirée par les griffes des félins et les petits sont défendus par une mère dont la corne peut transpercer les flancs du plus robuste fauve et le tuer sur le coup.

 

Voilà pourquoi le rhinocéros est une espèce peu prolifique. Contrairement aux herbivores sans défense (jeu de mots involontaire, mais il s'agit en gros (!) de tous exceptés les éléphants) qui compensent le prélèvement naturel des guépards et des lions par une fécondité importante.

 

Mais le rhinocéros, comme l'éléphant, voit son avenir menacé par une espèce apparue très récemment dans l'échelle de l'évolution et qui dispose d'armes autrement redoutables que les griffes d'une lionne. L'Homme, avec ses fusils, ses pièges, ses moyens de locomotion, bouleverse l'équilibre écologique en s'attaquant à des animaux qui, avant son apparition, n'avaient pas d'ennemi.

 

Et pourquoi chasse-t-on le rhinocéros ? Pour sa viande ? Non bien sûr ! Elle n'a aucun intérêt culinaire ; et, au sud de l'Afrique, le gibier se trouve à profusion. Au début du siècle la chasse de ces gros animaux était un sport qui ne permettait que de ramener en Europe des trophées qui suscitaient l'admiration de la bonne société. Mais, depuis quelques décennies, l'opinion publique s'émeut, les autorités mondiales ont pris conscience du danger qui menaçaient le rhinocéros ; la chasse en est aujourd'hui interdite et l'espèce protégée.

 

Alors, pourquoi aujourd'hui des braconniers continuent-ils à le chasser ?

 

Pour sa corne évidemment ! Tout le monde le sait ! Elle aurait, selon la tradition chinoise, des vertus aphrodisiaques.

 

Et là est le problème ! Quelque chose cloche dans le discours unique qu'on entend dans tous les médias à ce sujet ! Et j'en arrive au propos principal auquel le précédent documentaire animalier n'est qu'une introduction.

 

Dans la série « je ne veux pas être pris pour un con », voici : « de rhinocérosorum. » (correction autorisée par les latinistes)

 

 

Dans la presse écrite, à la radio, à la télé, voici ce qu'on lit, voit ou entend :

 

«  Les gardes des parcs nationaux de l'Afrique australe ont fort à faire avec les braconniers. Aux confins du N'goulou N'goulou et du Nyabon Banahn (noms propres inventés - NDA), il ne se passe pas une semaine sans qu'on retrouve la carcasse d'un rhinocéros. Le corps en décomposition est la proie des vautours. Des balles de kalachnikov AK47 dont on retrouve les douilles à proximité lui ont infligé des blessures mortelles. Voyez là, là et là ! Les braconniers ne l'ont pas dépecé. Les déchirures dans la peau ne sont dues qu'aux charognards. Par contre, regardez ces deux trous béants entre les narines et le front. On a abattu l'animal pour ses cornes.

 

Malgré des peines de plus en plus sévères, le braconnage s'intensifie. Tout ça parce que la médecine orientale prétend que la corne de rhinocéros pilée possède de puissantes propriétés curatives et aphrodisiaques. C'est totalement faux ! Toutes les études ont prouvé que ce prétendu médicament n'avait pas plus d'effet que du plâtre en poudre. Et pourtant des milliardaires à Hong Kong, Macao ou Taipei sont prêts à dépenser des fortunes pour acquérir le produit miracle. Ah ! Les cons ! Ces chinetoques sont encore au moyen âge ! Bon, d'accord, ils ont inventé, 3000 ans avant que Nicot importe le tabac sur le vieux continent, une méthode très efficace pour s'arrêter de fumer à base d'aiguilles dans l'oreille. L'acupuncture donne des résultats positifs incontestables pour la guérison de certaines maladies, et ça fait même pas mal. Mais la corne de rhinocéros ! Laissez-moi rire ! Ah ! Ah ! Et dire que cette poudre vaut plus cher que l'héroïne et qu'elle est l'objet d'un trafic comparable ; avec bandes armées, mafias, corruption, crimes et tout le folklore. »

 

Voilà (en substance) ce que disent les journalistes, les ONG, les aventuriers médiatisés, Brigitte Bardot etc...

 

Et voilà ce que je dis, moi qui ne connais de ce trafic que ce qu'on en dit dans les étranges lucarnes :

 

Ce discours contient une contradiction ! Si on le traduit en produit logique d'assertions élémentaires, on se heurte à un paradoxe :

 

-         La corne de rhinocéros se vend très cher et les braconniers prennent des risques insensés pour s'en procurer.

-         Elle n'a aucun effet médical, aphrodisiaque ou autre.

-         Elle est vendue au consommateur final sous forme de poudre ou en petits morceaux.

 

Si tout cela était vrai, pourquoi les trafiquants se donneraient-ils la peine de gérer un transport clandestin sur 10000 km pour acheminer, avec beaucoup de risques, un produit qui en finale peut avantageusement être remplacé par un autre placebo ; défense de sanglier, corne de cerf, ou os de n'importe quel animal ?

 

Croyez-vous que, si la préparation H produisait les mêmes effets que l'héroïne (d'où son nom), on continuerait à cultiver le pavot en Birmanie ? Mais il n'en est rien. Malheureusement ! Demandez à un toxico qui souffre d'hémorroïdes. Il vous le confirmera. 

 

La seule porte de sortie que j'entrevois serait d'infirmer la troisième assertion. Le milliardaire aux yeux bridés achèterait une corne entière au marché flottant de Bangkok, la ramènerait dans son petit panier de bambou et la râperait lui-même dans ses nouilles de riz. Il aurait alors à sa disposition de quoi obtenir une érection matinale tous les jours pendant 248 ans. Du moins le croirait-il, car nous sommes dans l'hypothèse « placebo ». Ou bien le magazine « 1 milliard de consommateurs », l'équivalent chinois de notre « 60 millions », aurait incité ses lecteurs à exiger que la corne soit râpée devant le client. Et dans ce cas on sait très bien que le marchand, fourbe et manipulateur comme le sont tous les asiatiques, trouverait moyen de tromper le chaland en réduisant en poudre sous ses yeux une corne plus vraie que nature et fabriquée à partir de stuc et sable pilé. Et tout le monde serait content puisque, je le répète, la fausse corne a, dans ce cas, les mêmes propriétés que la vraie, c'est à dire rien, nib, peau de zébi. Alors qu'un faux Lacoste acheté dans la même boutique peut tenir chaud et qu'une fausse Cartier donne l'heure aussi bien qu'une vraie...      

 

Cette porte de sortie me semble difficile à ouvrir. Qu'en pensez-vous ?

 

Si vous avez la réponse à ce paradoxe, dites-la-moi. Sinon ne vous précipitez pas dans le 13e pour acheter de la corne de rhinocéros ; le viagra, c'est pas fait pour les chiens !

 

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