Ça faisait un bail que je n'étais pas allé au cinoche. Ma reprise de la fréquentation des salles obscures m'a permis de visualiser une oeuvre exceptionnelle : « Blueberry ».

 

Pourquoi exceptionnelle ? Parce que jamais depuis la vision d'un péplum italien des années soixante à trois lires six sous et dont j'ai oublié jusqu'au titre, je n'avais vu un film d'une telle nullité !

 

Nul de chez nul ! Zéro ! Racine de - 1 !

 

Au risque de déflorer le suspense, je vais vous décrire la fin :

 

à la fin...

 

... le spectateur pousse un soupir de soulagement en réalisant que ce tissu d'inepties est enfin terminé.

 

Comme je vous ai raconté la fin je vais vous raconter le reste. Ou du moins ce que j'en ai compris. Ce qui ne me prendra pas beaucoup de temps car la seule chose que tout le monde comprend très vite dans ce film c'est qu'il n'y a rien à comprendre ; ou plutôt que si on ne comprend rien, ça n'a aucune importance.

 

En gros c'est l'histoire d'un mec qui, pour d'obscures raisons se trouve nez à nez avec un méchant alors qu'il s'apprête à entamer une séance de gymnastique avec une entraîneuse de saloon. Important : le méchant a un revolver. Un coup de feu est tiré, contrairement à la fille, et cette dernière s'écroule. Puis la maison prend feu.

 

Ah oui, ça se passe dans l'Ouest. Important aussi : la boisson préférée du mec est une espèce de tord-boyau distillé par les Indiens et qui procure des visions colorées. Il y a aussi un noir qui se ballade sans son scalp et un méchant allemand. Bon, je crois que j'ai fini le résumé. De toutes façons vous n'en apprendrez pas davantage en dépensant 9 euros ; alors contentez-vous de ça, au moins c'est gratuit !

 

Puisqu'on en a fini avec l'histoire, parlons des autres aspects du film.

 

La virtuosité technique consiste à enchaîner gros plans sur la barbe ou le nez de Vincent Cassel, vues aériennes des canyons de l'Arizona, et images de synthèse montrant des espèces de vermisseaux qui courent autour du visage du héros. A ce sujet, il y a une erreur plus haut dans ce texte. Il y est question de visions colorées ; ce n'est pas tout à fait ça ; les parties synthétiques semblent avoir été réalisées à l'aide d'un logiciel graphique du genre de ceux qui ont servi à concevoir les premiers économiseurs d'écran dans les années 80. Mais ici le nombre de couleurs utilisées n'est pas de 16 millions, 10 000, 256, ni même 8. Mais 3 : gris brun, gris clair et gris foncé. C'est dommage, car ces scènes sont, et de loin, les morceaux de bravoure de l'oeuvre. Même si un gosse de douze ans avec un programme albanais trouvé dans une poubelle est capable d'en faire autant.

 

Le titre du film indique que celui-ci est « librement » adapté de la bande dessinée homonyme de Giraud-Moebius. Si la même conception de la liberté était appliquée à la politique, toute dictature serait vaincue !

 

Pour ceux dont les aventures du célèbre lieutenant ont bercé la jeunesse, cette référence risque d'apparaître quelque peu absconse ; physiquement Michel Galabru avec une barbe de 5 jours, ou ma concierge dans le même état ressemblent autant à Blueberry que l'acteur principal ; et je suis certain, du moins pour le premier, que la finesse de leur jeu éclipse de loin celle de Vincent Cassel. Quand à l'action, ou plutôt en l'occurrence l'inaction, il faut beaucoup d'imagination pour y trouver un quelconque rapport avec la BD.

 

Si c'est avec de tels navets que l'exception culturelle hexagonale prétend contrer l'hégémonie yankee, on peut craindre pour l'avenir de notre culture cinématographique.

 

Et dire que parmi les critiques que j'ai lues ou entendues avant d'investir de manière aussi stupide mes 9 euros, aucune ne m'avait prévenu. J'ai écouté certains avis donnés par les gens du métier, mais si des réserves étaient exprimées, personne ne m'a averti de l'ampleur de l'insignifiance de ce ratage historique. Comment expliquer cette étrange indulgence ? Ils doivent coucher tous avec Vincent Cassel !  

 

Tout ceci pour dire qu'à l'orée du millénaire, il est légitime d'accorder à ce film le titre provisoire de « nanard du siècle ». Mais « provisoire » à condition qu'il soit possible de produire avant une petite centaine d'années, un navet aussi nul. Ce qui n'est pas gagné ! Car Max Pécas nous a quitté récemment. Et de toutes façons, il n'était sans doute pas à la hauteur de cette tâche...

 

 

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